Projet de loi C-32 : Un écart persiste entre les véhicules administratifs et la volonté politique d’agir pour appuyer le secteur postsecondaire | ACUFC
 

Communiqués de presse

Projet de loi C-32 : Un écart persiste entre les véhicules administratifs et la volonté politique d’agir pour appuyer le secteur postsecondaire

18 juin 2021

Ottawa, le 18 juin 2021 – L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) salue le travail de la ministre du Développement économique et des Langues officielles, l’honorable Mélanie Joly, et de son équipe, qui a mené au dépôt du projet de loi C-32 visant l’égalité réelle du français et de l’anglais et le renforcement de la Loi sur les langues officielles. Une mise à jour était attendue depuis longtemps par de nombreux intervenants.

Tout d’abord, nous nous réjouissons que ce projet de loi s’inscrive dans une démarche menant vers l’égalité réelle du français et de l’anglais et reconnaisse le rôle particulier que le gouvernement fédéral doit jouer pour protéger et promouvoir le français au Canada. La simple reconnaissance de l’égalité de statut entre les deux langues officielles ne suffisait plus et il était nécessaire que le gouvernement se tourne vers des pistes d’action asymétriques. La mise en place d’une telle reconnaissance législative pourrait convaincre les institutions fédérales d’agir concrètement à l’égard de la promotion et de la protection du français au pays et de l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire.

Ensuite, deux autres mesures nous semblent structurantes dans ce projet de loi. Nous trouvons rassurant que l’obligation de Patrimoine canadien d’élaborer périodiquement, avec les autres ministères, une stratégie pangouvernementale qui énonce les grandes priorités en matière de langues officielles et qui doit être déposée devant chaque chambre du Parlement soit intégrée à ce projet de loi. L’ACUFC, ses membres et les communautés bénéficient de plusieurs initiatives présentement appuyées par le truchement du Plan d’action pour les langues officielles. Nous voyons aussi d’un bon œil que le projet de loi prévoit une révision périodique des dispositions et de l’application de la loi aux dix ans. Cette prévisibilité et cette agilité permettront de faire en sorte que le régime linguistique puisse s’ajuster aux besoins et aux attentes des communautés francophones en situation minoritaire (CFSM), et ce, sans égard aux calendriers politiques.

Toutefois, les nouvelles dispositions dans la partie VII nous inquiètent. Certes, le gouvernement énonce à l’article 41 de nouveaux engagements eu égard au secteur postsecondaire, à la création et à la diffusion de savoirs scientifiques en français et à la protection et la promotion d’institutions fortes qui desservent les minorités. Mais, l’article 45 laisse entendre que la mise en œuvre de certaines mesures positives fédérales, dont celles touchant le secteur postsecondaire, sera tributaire des décisions des provinces et des territoires en ce qui concerne l’épanouissement des minorités francophones. Cet article pourrait diluer la portée des nouveaux engagements à l’égard du secteur postsecondaire et d’autres domaines prioritaires des CFSM.

Nous reconnaissons que les gouvernements provinciaux et territoriaux jouent un rôle dans la promotion et la protection du français et des institutions des CFSM et dans l’appui aux établissements postsecondaires. Or, nous sommes aussi d’avis que l’épanouissement des CFSM relève des compétences du gouvernement fédéral et qu’il peut utiliser son pouvoir de dépenser pour agir. En ce sens, il lui revient de mettre en œuvre les engagements contenus à la partie VII de son projet de loi et d’adopter des mesures positives dans l’intérêt national et dans celui des CFSM. L’article 45 laisse plutôt penser que l’épanouissement des minorités francophones est subordonné au partage des compétences entre les paliers de gouvernement. À nos yeux, il est inacceptable que le fédéral se soustraie à une partie de ses obligations à l’égard des minorités francophones.

Une telle approche éloigne le gouvernement fédéral de l’intention initiale du législateur quant à la partie VII. La collaboration avec les provinces et les territoires ne peut être un frein à l’engagement du gouvernement fédéral de favoriser l’épanouissement, d’appuyer le développement des CFSM et d’assurer la présence d’institutions fortes. Nous enjoignons le gouvernement fédéral à revoir l’article 45 et à assumer pleinement son rôle de fiduciaire de la vitalité des minorités francophones. Il doit aussi mettre en place les conditions favorables au développement de mesures positives qui pourront apporter un appui nécessaire, attendu et direct aux établissements postsecondaires en contexte francophone minoritaire.

Les véhicules administratifs doivent rattraper la volonté politique, réitérée à plusieurs reprises ces derniers mois, d’agir pour appuyer le secteur postsecondaire. Ces véhicules administratifs, qu’ils soient de nouveaux règlements, de nouveaux programmes ou de nouveaux mécanismes d’évaluation et de reddition de compte, doivent véritablement servir de levier pour concevoir et mettre en œuvre des mesures positives structurantes dans les secteurs clés identifiés par les CFSM. Sur ce plan, l’arrêt du juge Gascon de la Cour fédérale en 2018, dans la cause Fédération des francophones de Colombie-Britannique c. Ministère de l’emploi et du développement social et la Commission de l’Assurance-emploi du Canada, a déjà rappelé que le gouvernement a tardé à agir pour rendre pleinement opérationnelle la partie VII.

L’ACUFC encourage toutes les parties prenantes à collaborer en vue de retrouver dans ce projet de loi une véritable affirmation du rôle que peut jouer le gouvernement fédéral dans ses champs de compétence pour appuyer les établissements postsecondaires en contexte francophone minoritaire, qui ont une responsabilité civique différente de ceux de la majorité. Le gouvernement fédéral peut appuyer cette responsabilité supplémentaire en utilisant son pouvoir de dépenser. Nous serons aussi disposés à faire état de nos attentes à l’égard des mesures administratives qui seront conçues en marge de ce projet de loi.

Citation

« Comme ce projet de loi reconnait la situation particulière du français au pays et l’importance du rôle des institutions des communautés francophones en situation minoritaire, son dépôt constitue un jalon important dans l’évolution du régime linguistique canadien. Nous espérons que les dispositions de ce projet de loi et les mesures administratives qui l’accompagneront pourront se traduire par un appui direct du gouvernement fédéral aux établissements postsecondaires en contexte francophone minoritaire en vertu de son pouvoir de dépenser. »

– Lynn Brouillette, présidente-directrice générale, ACUFC

À propos de l’ACUFC

L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) regroupe 22 établissements d’enseignement postsecondaire francophones ou bilingues situés dans huit provinces. Notre vision : accroitre l’accès à l’enseignement postsecondaire en français pour établir un réel continuum de l’éducation en français, de la petite enfance au postsecondaire, dans les communautés francophones en situation minoritaire. Sur les scènes nationale et internationale, l’ACUFC appuie ses membres, qui ont une triple vocation : un mandat éducationnel et de recherche, un engagement ferme en faveur de la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire et un rôle de vecteur économique et d’immigration, d’un bout à l’autre du pays. L’ACUFC soutient également les initiatives du Consortium national de formation en santé (CNFS) et celles du Réseau national de formation en justice (RNFJ). ACUFC.ca

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Renseignements :

Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales
Association des collèges et universités de la francophonie canadienne
Cellulaire : 514-771-4020
mnormand@acufc.ca

 

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